Exposition
Du 09 octobre au 16 novembre 2025
From Spam to Slop

58 rue Chapon, 75003 Paris
Ouvert du Mercredi à Samedi de 14h à 19h
Tel. 06 60 22 25 02
Exposition
Du 09 octobre au 16 novembre 2025
Sur nos écrans, la saturation visuelle atteint des proportions cosmiques avec des contenus de plus en plus absorbants et étranges. L’exposition From Spam to Slop explore deux phénomènes dégoulinants de la culture visuelle contemporaine induits par l’intelligence artificielle : le SPAM ART, démarche artistique subversive qui inonde les réseaux sociaux et espaces en ligne, et le SLOP, dynamique industrielle de production d’images bizarroïdes et dérangeantes créées par IA à des fins de profit et de manipulation.
FROM SPAM ART : L’art de la submersion contrôlée
Né dans les communautés crypto-art NFT de Discord et Twitter, le mouvement SPAM ART développe un langage esthétique reconnaissable : humour, couleurs criardes, typographies délirantes, compositions aberrantes avec la boîte iconique du SPAM.
Ce qui intéresse les membres du SPAM ART : faire d’internet un terrain de jeu en spammant tout le monde et en s’infiltrant partout là où ils ne sont pas invités. Ils s’amusent à envahir la collection NFT du Centre Pompidou en envoyant des centaines d’œuvres non sollicitées, saturer certains hashtags sur X (Twitter) de leurs compositions ou rendre inaccessibles des espaces d’exposition en ligne.
Sans manifeste, ni définition, ce mouvement visuel mélange de Dada et trolling est décrit de la manière suivante par Bittty Gordon, une des membres les plus actives : “Le mouvement SPAM ART revêt un caractère innocent. C’est vraiment candide. Les gens peuvent y voir quelque chose de pathétique. Nous, nous souhaitons simplement rire et spammer !”.
John Hamon, membre ponctuel du mouvement est également présent dans l’exposition avec des oeuvres spécialement créées pour l’occasion. Spammeur des rues, son travail s’inscrit dans cette dynamique par une pratique fondée sur le déploiement massif et non sollicité de son portrait depuis 2001, qui rejoint naturellement l’esprit du SPAM ART. Ayant lui-même proclamé la fin de la période de l’art contemporain, il voit dans ce type de mouvement, qui n’est plus en phase avec les anciens dogmes institutionnels et commerciaux, l’émergence d’une nouvelle ère de l’histoire de l’art.Ce cycle a vocation à être décentralisé, affranchi des filières classiques et porté par de nouvelles stratégies esthétiques, économiques et de visibilité.
SLOP : déluge de contenu IA low-cost et médiocre qui inonde le web.
TO SLOP : L’industrialisation du bizarroïde par IA
Face au SPAM ART et sa naïveté revendiquée, le SLOP représente l’autre versant de cette saturation visuelle. Avec ses contenus de faible qualité générés en masse par IA à des fins purement économiques voire politiques le SLOP pullule sur les réseaux sociaux. Trump en train de reconstruire Gaza, Elon Musk en char à voile, Jésus en crevette, bébés géants impossibles à rassasier... Ces vidéos-leurres sont partout et virales.
Les producteurs de SLOP exploitent nos références culturelles communes pour produire des visuels repoussants mais hypnotisants. Cette profusion d’images nous plonge dans un état d’amusement grisant, de dégoût, parfois de paranoïa, où chaque scroll devient une enquête inconsciente dans les tréfonds du pire.
L’économie du SLOP est organisée autour de véritables usines de contenu qui maîtrisent et rentabilisent la viralité. Ses travailleurs utilisent les IA génératives pour créer des contenus en temps réel sur les événements en cours - incendies de Los Angeles transformés en apocalypse, un Trump géant qui balance des bombes sur l’Iran. Les plateformes favorisent ensuite ce type de contenus dans les algorithmes et des armées de bots amplifient leur diffusion.
Le SLOP prolonge ainsi l’extraction de la valeur de notre attention en ligne. Et cette inondation convoque de nouvelles pratiques esthétiques. Artiste présent dans l’exposition, Bennett Waisbren est l’auteur de la vidéo IA la plus regardée d’Instagram. Il produit des créations qui empruntent volontairement l’esthétique du Slop industriel. Mais contrairement aux fermes à contenus qui génèrent en masse, Waisbren peaufine chaque détail pour obtenir le bon degré d’étrangeté qui troublera le visionneur.
Son processus révèle la frontière ténue entre la logique économique de l’algorithme et l’intention artistique : quand le SLOP devient-il de l’art ? Et ne l’est-il pas déjà ?
Des artistes qui explorent le Slop
Dans l’exposition, Mementum Labs interroge les notions de droit d’auteur et de propriété intectuelle à l’heure des images virales créées par intelligence artificielle avec pour objet d’étude : Tung Tung Sahur, figure brainrot devenue phénomène planétaire.
Albertine Meunier et Olivain Porry ont créé The Slop Machine qui consiste en une installation interactive qui visionne et commente un fil instagram en continu avec deux modes : machine ou humain. Les visiteurs pourront y juger les images et les commenter.
Avec SpamBots, Neil Mendoza met en scène poétiquement et de manière ironique la surproduction numérique. Dans Spambots, des boîtes de conserve devenues conteurs robotiques génèrent collectivement des textes inspirés du Meilleur des Mondes d’Alfred Huxley.
Alors non, internet n’est pas mort comme les amateurs de la Dead Internet Theory le claironnent, seulement, il grouille d’une vie qui n’est plus tout à fait seulement humaine. From Spam to Slop entend ainsi révéler au visiteur ce réseau grouillant qui a permis au Slop de fleurir : stratégies des plateformes, bots, humains, contexte politique, stratégies de désinformation. Car au-delà des ressorts basiques de captation de l’attention, avec le SLOP, l’absurde devient rentable, le faux devient stratégique, et les conséquences deviennent réelles…
Glossaire
SLOP
Le mot anglais SLOP est utilisé depuis peu pour désigner le déluge de contenu IA low-cost et médiocre qui inonde le web.
Le terme existe en anglais depuis le XVe siècle, et embrasse de nombreuses significations différentes au cours du temps. Il désigne d’abord un endroit boueux. À partir du XVIIe siècle, il prend aussi le sens d’ « eaux sales ». C’est à partir du milieu du XIXe siècle qu’on le rencontre au sens figuré pour désigner un produit intellectuel de faible qualité, ou encore un non-sens, cette dernière acception ayant été reprise dans le slop que nous connaissons aujourd’hui : celui produit par l’IA.
Le développeur britannique Simon Willison, qui a joué un rôle clé dans la popularisation du terme, explique qu’il était crucial de donner un nom à ce phénomène auquel nous sommes de plus en plus souvent confrontés. Tout comme le mot spam a permis de mettre en lumière le problème des e-mails indésirables, slop pourrait aider à sensibiliser le public aux dangers des contenus IA de mauvaise qualité.
L’origine du phénomène remonte à 2022, lorsque les générateurs d’images, tels que Midjourney ou Stable Diffusion, et les modèles textuels de type ChatGPT et Gemini, ont ouvert la porte de la création de masse au grand public.
Tung Tung Sahur
Personnage brainrot devenu phénomène planétaire, créature virale emblématique de la culture internet contemporaine. Son nom, d’origine indonésienne, fait référence au “tung tung” (bâton utilisé pour frapper) et “sahur” (repas pris avant l’aube pendant le Ramadan), évoquant une figure qui réveille brutalement. Ce personnage incarne parfaitement l’esthétique du slop : forme hybride, répétitive et déclinée à l’infini par les algorithmes d’IA, il illustre comment une image peut faire événement par pure contamination visuelle.
Italian Brainrot
Le brainrot désigne à la fois un état de saturation mentale et un genre de personnages viraux récurrents qui incarnent cette dégénérescence. Avec d’autres personnages comme Chimpanzini Bananini et Tralalero Tralala, Tung Tung Tung Sahur est lié à un courant de création appelé italian brainrot, ce qui se traduit par « pourrissement de cerveau à l’italienne ». Ces personnages créés dans le cadre de ce mouvement apparu en mars 2025 font l’objet de beaucoup de publications sur les réseaux, des publications de très mauvaise qualité. On cherche par exemple à opposer les personnages pour déterminer lequel l’emporte.
Dead Internet Theory
Théorie d’origine conspirationniste selon laquelle l’internet contemporain serait majoritairement composé de contenus générés par des bots et des intelligences artificielles plutôt que par de vrais humains. Cette théorie soutient qu’à partir des années 2016-2017, les plateformes se sont progressivement remplies de faux comptes, de contenus automatisés et d’interactions artificielles, créant l’illusion d’un internet vivant alors qu’il serait devenu largement “mort.